En dix ans, la taxe foncière a connu une augmentation moyenne de 32,9 %, dépassant largement l’inflation et la progression des loyers. Mais comment expliquer une telle envolée ? Plusieurs facteurs se conjuguent pour alourdir la facture des propriétaires, et cette dynamique semble loin de s’essouffler. Explications.
Le calcul de la taxe foncière repose sur une base bien précise : la valeur locative cadastrale. Celle-ci correspond à une estimation théorique du loyer annuel qu’un bien immobilier pourrait générer s’il était loué. Chaque année, cette base est réévaluée en fonction de l’inflation mesurée par l’Indice des Prix à la Consommation Harmonisé (IPCH) de l’année précédente. En d’autres termes, lorsque l’inflation augmente, la valeur locative cadastrale suit le mouvement, entraînant une augmentation de l’impôt foncier.
Entre 2018 et 2023, la France a traversé une période de forte inflation. Cette flambée a directement affecté la réévaluation des valeurs locatives, avec des hausses records de +3,4 % en 2022, +7,1 % en 2023, et encore +3,9 % en 2024. La conséquence est claire : même si les taux d’imposition fixés par les collectivités locales restent stables, l’augmentation de la base imposable pousse mécaniquement les montants de taxe foncière à la hausse.
Selon les données de l’Union Nationale des Propriétaires Immobiliers (UNPI), la revalorisation des valeurs locatives explique trois quarts de l’augmentation de la taxe foncière sur cette période. En effet, la hausse de 20 % de l’impôt foncier entre 2018 et 2023 est principalement due à cette majoration.
Outre la revalorisation des bases, les propriétaires doivent également composer avec l’augmentation des taux communaux. Fixés par chaque collectivité locale, ces taux varient d’une commune à l’autre et connaissent eux aussi une tendance à la hausse.
La suppression progressive de la taxe d’habitation pour la majorité des contribuables a laissé un vide dans les finances locales. De nombreuses communes ont compensé cette perte en augmentant les taux de la taxe foncière. Certaines villes comme Nice et Saint-Priest ont ainsi vu leurs taux bondir de respectivement 22 % et 21 % entre 2023 et 2024.
Les chiffres sont particulièrement éloquents dans les grandes agglomérations. À Paris, par exemple, la taxe foncière a augmenté de 83 % sur la dernière décennie, passant de 8 à 20 % pour les taux communaux, une augmentation vertigineuse qui inclut la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM). D’autres villes comme Strasbourg, Limoges, ou Grenoble ont également enregistré des hausses de plus de 50 %.
Les différences de taux entre communes sont considérables. À Villeneuve-Minervois, dans l’Aude, les taux communaux atteignent 99,09 % de la valeur locative, contre des taux beaucoup plus modestes dans d’autres régions. En 2024, le taux moyen cumulé des impôts locaux (incluant commune, intercommunalité, etc.) a dépassé pour la première fois la barre des 40 %, ce qui représente une augmentation significative pour de nombreux propriétaires.
En plus de la taxe foncière elle-même, les propriétaires doivent également s’acquitter de plusieurs taxes locales additionnelles. Celles-ci sont moins visibles, mais elles s’ajoutent au montant final dû, rendant la facture encore plus salée.
La TEOM est sans doute la plus connue des taxes additionnelles. Elle sert à financer la collecte et le traitement des déchets ménagers. Bien que souvent perçue comme une taxe distincte, elle est incluse dans l’avis d’imposition de la taxe foncière. Si cette taxe peut être répercutée sur le locataire dans le cas d’un bien loué, elle n’en demeure pas moins un élément qui augmente le montant global de la taxe foncière.
Introduite pour financer la gestion et la prévention des risques liés aux milieux aquatiques, la taxe GEMAPI (Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations) est devenue courante dans de nombreuses communes. En 2023, environ 74 % des communes appliquaient cette taxe, contre seulement 35 % en 2018. Bien que plafonnée à 40 euros par habitant, cette taxe s’ajoute à la taxe foncière, augmentant ainsi la pression fiscale sur les propriétaires.
Par ailleurs, certaines régions appliquent des taxes spéciales d’équipement (TSE), destinées à financer des projets d’infrastructure publique. Par exemple, en Île-de-France, une TSE est prélevée pour financer le développement du Grand Paris Express. Dans le Sud-Ouest, une nouvelle TSE a été mise en place en 2023 pour financer l’extension de la ligne à grande vitesse (LGV) vers Toulouse et Dax.
Alors que l’inflation continue de faire pression sur la revalorisation des bases locatives et que les communes cherchent à compenser la perte de la taxe d’habitation, il est peu probable que la tendance s’inverse à court terme. Pour les propriétaires, cette dynamique pose la question de la viabilité économique à long terme de certains investissements immobiliers.